12 Octobre 98 - SPORTS
Tony Vairelles, famille nombreuse, famille heureuse

AVEC son look tout droit sorti d'une BD de Margerin, on associe franchement Vairelles aux années soixante-dix, en un mélange explosif perfecto, sortie de bals et taquineries version Depardieu-Dewaere dans 'les Valseuses'. On est en 1998 et lui répond qu'il est 'assez blouson' et 'assez rétro', qu'il écoute Toni Rossi, Presley, Sardou et Mike Brant et qu'il aime plus 'l'ambiance des bals le dimanche que celle des discothèques. Et puis, c'est plus facile de draguer sur une valse.'
Sur les terrains, Vairelles serait plutôt du genre à imposer à ses défenseurs un charleston pour le suivre. C'est vrai que depuis le début de la saison, il galope beaucoup. On le voit un peu partout, bataillant, s'acharnant, luttant jusqu'au bout du temps de jeu. 'J'ai envie d'aller jusqu'au bout de moi-même, explique-t-il. J'ai toujours été habitué au travail bien fait. J'en garde un bon souvenir.'
Si son récent statut d'international (trois fois appelé, une sélection contre l'Autriche en août, une entrée en fin de partie samedi à Moscou) ne semble pas étranger à cette soudaine renommée, son nouveau rôle de buteur-sauveur-harangueur, au sein d'une équipe lensoise orpheline de son oriflamme, Jean-Guy Wallemme, contribue également à le pousser au devant de la scène.
Le dopage étant sur toutes les lèvres, cette semaine à Clairefontaine, un confrère lui a demandé franchement: 'Euh, au fait, à quoi carbure Tony Vairelles?' Interloqué mais aussi ravi de l'apostrophe, l'attaquant, simplement, raconte: 'J'ai eu beaucoup d'entraînements depuis que je suis tout petit, depuis pupille déjà. Un entraînement quotidien au moins. Ça m'a aidé quand je suis entré chez les pros. Papa s'occupait d'une équipe, donc j'allais m'amuser en attaquant le ballon. Depuis, c'est la même chose: après un match, même si j'ai été mauvais, il faut que je me dise: 'Ce soir, j'ai tout donné.' Bollaert en a fait son chouchou, s'identifiant dans ce garçon simple et chaleureux, pas avare d'efforts et toujours disponible pour une photo ou un autographe. 'Les petits jeunes qui me regardent émerveillés quand je leur signe une photo, c'est la plus belle chose.' Naïf et plein de bons sentiments.
On lui parle des à-côtés de sa vie, il répond: 'Si je veux être performant, malheureusement, je ne peux pas trop faire la fête', puis se reprend: 'Quand on est dans ma situation, on ne peut jamais dire: malheureusement...'
Dans le Nord, on aime vraiment les gars simples et chaleureux. Les journalistes voudraient savoir s'il faut jouer en 4-3-3 contre la Russie, garder le ballon, revenir à trois récupérateurs au milieu du terrain, Vairelles avance à contre-courant: 'Ce qui compte, c'est le respect de l'adversaire.' A Lens, Tony ('on a du sang espagnol du côté de papa') vit dans une ancienne cave aménagée en studio, au rez- de-chaussée d'une maison où logent ses parents et encore quelques-uns de ses frères.
Arrivé au milieu d'une fratrie de sept enfants (cinq frères, une soeur), le grand blond (1,87 m) tient à rester proche de sa famille, 'ce qu'il y a de plus important dans ma vie'. 'On aime être ensemble, ajoute-t-il. J'ai envie de les avoir avec moi. Je mange avec eux, je ne m'occupe de rien.' Il dépense peu, pour économiser, certes, mais également garder un mode de vie raisonnable qu'il a toujours eu.
A vingt-cinq ans, le natif de Nancy se souvient d'une 'super enfance grâce à mes frères. Une famille nombreuse, c'est extraordinaire. Ça m'a appris à être solidaire, à partager, à couper la poire en deux, trois, quatre... Ces valeurs sont au fond de moi, ancrées. Elles me servent dans le football aujourd'hui'. Guy, le fameux 'papa' devenu son agent, est métreur, alors que Muriel élève les sept enfants. La famille grandit dans une HLM en ZUP près de Tomblaine. Guy entraînera cette équipe amateur pendant une vingtaine d'années. L'amour du foot naît ici, entre Tomblaine et Nancy. Un peu grâce à papa donc. 'C'était notre héros quand on était petit. Un modèle. De toute façon, tout ce qu'il entreprend il le réussit, comme mon frère Fabrice.'
Rester honnête, droit dans ses crampons, faire peu de vagues convient bien au joueur qu'un caractère fougueux avait parfois entraîné à de petits débordements anodins: 'Au volant, j'étais nerveux, je ne supportais pas les conducteurs du dimanche. Je suis tout le temps assez speed. Mais on change. Aujourd'hui, j'ai pris de l'assurance.' Une confiance qu'il tire principalement de sa foi. 'Très très' croyant, il assure: 'Si j'en suis là aujourd'hui, c'est grâce à Dieu qui protège ma famille. L'essentiel, c'est de faire le bien pour se sentir bien dans sa peau et content.'
DOMINIQUE SHATENOY.